Endométriose : gare aux complications urinaires

L’endométriose est une maladie inflammatoire qui affecte le bassin durant les règles, mais peut également se chroniciser et/ou impacter d’autres organes, notamment au niveau du système urinaire. Précisions grâce à 3 questions posées au Professeur Horace Roman, chirurgien gynécologue expert en endométriose au sein de la Clinique Tivoli-Ducos de Bordeaux et professeur de chirurgie de l'endométriose à l'Hôpital Universitaire d'Aarhus, au Danemark.

Podcast Pr Horace Roman - l'Endométriose

Qu’est-ce que l'endométriose et quelles sont les femmes exposées ?

Professeur Horace Roman : L’endométriose correspond à des lésions qui se forment et progressent au moment des règles, en dehors de l’utérus. L’origine précise de ces cellules reste inconnue. Ces lésions peuvent rendre la zone pelvienne douloureuse, mais aussi irriter les organes à proximité, d’abord mensuellement puis de façon chronique si la maladie n’est pas prise en charge. Les symptômes sont variables selon la sévérité et les organes touchés : règles douloureuses, infertilité, troubles digestifs, fatigue chronique, troubles urinaires, douleurs dans l’épaule droite, douleurs pendant les rapports sexuels…

Si l’endométriose apparaît à la puberté, avec les premières règles, elle est en général diagnostiquée plus tardivement, à l’âge de 20 à 30 ans. Environ 10 % des femmes pourraient être concernées1 et leur nombre a probablement augmenté au cours des derniers décennies. La raison ? Depuis l’apparition de l’Homo Sapiens, les femmes n’ont jamais eu de règles aussi longtemps qu’aujourd’hui, car elles attendent davantage avant d’avoir des enfants, allaitent plus rarement et moins longtemps, et donc les périodes d’aménorrhée* naturelle sont plus courtes ou absentes. Sans oublier qu’elles sont plus exposées aux perturbateurs endocriniens et aux polluants, comme les oestrogènes de la nappe phréatique…

*Absence de menstruation
 

Quelles sont les complications les plus problématiques d’une endométriose non diagnostiquée ?

Pr H. R. : Les patientes peuvent présenter des symptômes urinaires si les lésions infiltrent la vessie ou les uretères. Une sténose de ces dernières peut même entraîner une destruction des reins. La fonction urinaire peut également être affectée suite à une dysfonction des nerfs splanchniques**, qui commandent au muscle de la vessie et au sphincter urétral de vider la vessie ou « retenir » les urines. Des difficultés à uriner font alors leur apparition et obligent la femme qui en souffre à trouver des artifices pour presser la vessie, pour compenser son incapacité de se contracter toute seule : pousser avec les muscles abdominaux, se pencher en avant, s’appuyer sur le ventre… Ces symptômes peuvent orienter vers une endométriose. Malheureusement, ils passent souvent inaperçus car leur arrivée est progressive et « masquée » par les douleurs qui focalisent l’attention et retardent le diagnostic.
Une fois l’endométriose urinaire identifiée, le traitement proposé peut être médical, avec la mise en route d’une aménorrhée, ou chirurgical pour enlever les lésions. L’intervention étant délicate, il est parfois compliqué, voire impossible, de préserver l’intégrité des nerfs splanchniques. De fait, toute chirurgie des lésions d’endométriose englobant ou arrivant au contact de ces nerfs fragiles, expose au risque d’une période post-opératoire qui nécessite la pratique des autosondages de la vessie, au rythme de 5 fois par jour. Fort heureusement, le nombre de patientes devant encore s’autosonder après un mois n’est plus que de 25 % et passe à 5 % après un an grâce à une récupération nerveuse naturelle ou facilitée via stimulations par électrodes cutanés et autres techniques dédiées.

**Les nerfs splanchniques sont des nerfs du système nerveux autonome innervant les viscères de l’abdomen et du pelvis

Quels sont les impacts psychologiques et sociaux de cette complication pour les patientes ?

Pr H. R. : Tout dépend de la façon dont elles ont été informées au préalable. Si la dysfonction vésicale tombe comme un couperet après la chirurgie, elles vont mal le vivre. Si les patientes sont informées, bien préparées avant la chirurgie, elles le supportent mieux, surtout sachant qu’elles ont 95 % de chances de récupérer une fonction urinaire normale après un an.
Il est donc primordial de poser un diagnostic précis et d’informer la patiente sur son type de lésion d’endométriose et le risque post-opératoire, qui n’est pas le même selon les situations. Il est important de veiller à être précis et franc, sans se montrer alarmiste pour autant. Personnellement, je donne à mes patientes une note informative listant l’ensemble des complications possible à une chirurgie de l’endométriose et je rajoute les pourcentages de risque estimés spécifiques à chacune d’entre elles. Comme dans toutes les maladies, une bonne information et un accompagnement personnalisé sont synonymes de meilleure qualité de vie.

Sources :
1. Inserm. https://www.inserm.fr/dossier/endometriose/

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