Vous vous êtes déconnecté avec succès.
Not registered yet?
jeudi 9 novembre 2023
Lorsqu’il devient difficile de s’alimenter par voie orale, la nutrition artificielle prend le relais pour apporter au corps les apports nutritionnels dont il a besoin. En nutrition parentérale, on vient remplacer (tout ou en partie) l'alimentation orale et la digestion, par des poches de nutrition qui diffusent les nutriments nécessaires dans le système sanguin. Rencontre avec Manon Picchi, sous nutrition parentérale à domicile depuis 1998. Découvrez le parcours d’une jeune femme dynamique, bonne vivante, aventurière et engagée auprès des patients dénutris et atteints d’une maladie rare digestive, qui aime relever les défis qui lui font face avec positivité.
Manon a vécu une enfance atypique, marquée par de longs séjours hospitaliers et des interventions chirurgicales fréquentes liées à sa Pseudo Obstruction Intestinale Chronique (POIC) - une maladie rare et orpheline, d’origine génétique dans son cas, entraînant la dysmotricité des organes de son tube digestif et de sa vessie - depuis son plus jeune âge. Elle a dû faire face à des épreuves importantes, physiques et psychologiques, en lien avec sa pathologie : regard des autres, rejet de son corps, harcèlement scolaire, allers-retours à l’hôpital, opérations multiples… Être appareillée et branchée pour se nourrir plusieurs heures par jour est un défi du quotidien pour mener sa vie d’adolescente. Manon a pu compter sur ses parents, investis et volontaires, et d’un cadre familial bienveillant ainsi qu’un accompagnement adapté du corps médical pour avoir une vie la plus normale possible.
La relation entre les patients et les soignants est cruciale. Une bonne entente entre : l’équipe de suivi de l’hôpital, le prestataire, le médecin traitant, l’infirmière libérale, le patient et son aidant repose, au-delà des aspects techniques et des savoirs, sur la confiance et la communication. « Grâce à l'accompagnement de mes parents, des équipes médicales bienveillantes et à l’écoute, à l'hôpital ainsi qu’à domicile, j’ai pu m'approprier ce que je vivais et m’émanciper pour devenir autonome dans mes soins ». La transition de l’adolescence vers l’âge adulte a été une période délicate mais d’où Manon ressort grandie.
Depuis treize années, elle gère en toute autonomie sa nutrition parentérale à domicile. Les opérations digestives multiples qu’elle a subies, lui ont permis de diminuer l’impact de la maladie sur sa motilité digestive, lui permettant de s’alimenter davantage en per os et de renouer avec une meilleure image de son corps. Par ailleurs, les avancées innovantes dans les dispositifs médicaux lui permettent d’être plus libre de ses mouvements. « Gérer soi-même ses soins, demande une réelle organisation. Tous les mercredis, ma maman (mon aidante) ou moi-même, réceptionnons mes poches à la carte, réfrigérées, à mon domicile. Je dois, également, gérer et réceptionner le matériel nécessaire aux soins, tous les quinze jours. Sans compter l’organisation du domicile et du quotidien pour intégrer les contraintes liées à la NPAD. Les déplacements, hors domicile, avec cette dernière demandent également anticipation et organisation. La nutrition parentérale est un soin à part entière demandant la maîtrise de gestes techniques et nécessite une grande rigueur d’hygiène et de conditions d’asepsie stricte, pour éviter les infections. Avec l’autosoin, je peux gérer mon quotidien comme je le souhaite. »
Désireuse de devenir infirmière puis orientant ses études dans la diététique, Manon a toujours souhaité s’orienter dans le milieu médical et de la santé malgré son handicap. Elle a rencontré divers obstacles dans sa vie de patiente atteinte de POIC qui ont réorienté son parcours. « Avec mon handicap invisible mais bien présent, je ne suis pas devenue la soignante que je voulais devenir, j’ai dû repenser mon avenir. J’ai réorienté mes études dans l’univers de la Démocratie en Santé, des droits et de l’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP). Mon combat personnel a pris son sens au sein du collectif en m’impliquant, depuis dix ans, en tant que bénévole dans des associations de patients, telles que l’Association des POIC et plus récemment au sein de La vie par un fil. J’ai créé, récemment, l’entreprise M.P Résilience afin d’allier mon expérience personnelle, mes compétences et les contraintes du quotidien liées à ma santé. Je représente les associations au sein de la Filière Maladies rares Abdomino-Thoraciques (FIMATHO) ainsi qu’au sein du comité de pilotage des Centres Experts des Maladies Rares Digestives (MaRDi) ». Son objectif est de briser les barrières pour faciliter la vie des autres patients. Elle est également impliquée dans la réalisation de l’enquête « Vivre avec une NAD » menée par les deux associations, pour mieux comprendre les besoins des patients, en nutrition artificielle à domicile.
M.P Résilience est au service de l'évolution des prises en soins des patients par le consulting et la formation des professionnels, l'éducation à la santé à destination des patients afin de leur permettre de devenir acteurs et de vivre, non malgré mais avec la maladie ; et de sensibiliser le plus grand nombre aux maladies rares et au handicap invisible.
Pour aller plus loin dans son implication en nutrition et avec son expérience, Manon est devenue patiente experte dans son domaine pour faire connaitre la POIC et la nutrition parentérale à domicile. « Mise en place d’ateliers d’échanges autour de la transition de l’adolescence vers les adultes, qui peut être difficile à vivre comme cela a été le cas pour moi ; présence à des salons et congrès pour sensibiliser le public, échanger avec les familles confrontées à la pathologie et à la nutrition parentérale... On parle aussi très peu de la qualité de vie du patient et de son aidant, à domicile. C’est important, de pouvoir dire les choses, partager son expérience, pouvoir dire ce qui pourrait être amélioré et ce qui fonctionne … et, surtout, être entendu ! Au sein des associations, on se rend compte que les patients n’ont pas toujours reçu l’information adaptées afin d’adopter les bons gestes, pour leur santé et, parallèlement, certains ne sont pas toujours pris au sérieux sur l’expertise acquise par leur quotidien. Entre autres, toute infirmière n’est pas formée dans son parcours à la technicité des soins de la nutrition parentérale, qu’elle travaille à l’hôpital ou à domicile. Comme pour le patient en autosoin, il est crucial de transmettre les bons gestes ! »
Pour conclure, Manon nous partage sa vision de l'avenir de la nutrition parentérale à domicile. Elle espère un avenir où la qualité de vie des patients à domicile soit au cœur des préoccupations grâce à des dispositifs toujours plus performants et accessibles, une écoute de l’expertise du quotidien du patient et/ou de son aidant et d’une formation qui renforce la pérennité des prises en soin de la NPAD et du système de santé. Elle espère aussi une plus grande accessibilité à la nutrition parentérale. Elle insiste sur l'importance de l'implication continue des associations et des patients experts pour garantir un avenir prometteur de la NPAD avec l’ensemble des parties prenantes.
« Le système de santé et les mentalités doivent s'ouvrir et remettre l'humain au cœur des préoccupations. » Manon est un exemple inspirant de résilience, d'engagement, et d'espoir pour l'avenir de la nutrition parentérale à domicile. Sa persévérance et sa détermination sont des atouts précieux pour améliorer la vie des patients vivant avec des conditions similaires. Elle incarne la volonté de mettre l'humain au cœur des soins qu’ils soient patients, aidants ou soignants et d'ouvrir des portes vers un avenir plus lumineux dans le domaine de la nutrition parentérale. Ses projets futurs : un livre sur son chemin de vie et pourquoi pas contribuer, un jour, aux politiques de santé...
Avec votre compte personnalisé, votre expérience en ligne sera plus facile, plus confortable et plus sûre.