Se nourrir de la vie

L’alimentation artificielle n’est pas un frein à une vie riche de découvertes, de plaisirs et de promesses, surtout quand les perfusions peuvent être réalisées à domicile. Yasmine Luzurier en est une preuve étincelante depuis plus de 40 ans. Témoignage.

La petite Yasmine a tout juste 9 ans lorsqu’un enchainement de problèmes médicaux lui impose une résection quasi complète de l’intestin grêle (et 10 jours de coma…). Désormais, elle va devoir vivre sous nutrition parentérale : 

„C’était il y a 40 ans et, à l’époque, nutrition parentérale était synonyme de vie à l’hôpital. Heureusement, mes parents ont insisté et l’équipe soignante de l’hôpital Necker a accepté de tenter l’expérience de l’alimentation artificielle à domicile. Je fus donc parmi les premières à profiter de ces dispositions d’avant-garde. Nous étions loin du confort actuel : les pompes portables, programmables et avec batterie qui facilitent désormais le quotidien des personnes dans ma situation n’existaient pas. “

– Yasmine Luzurier

Logistique fluide et vie remplie

Qui dit nutrition parentérale à domicile (NPAD) dit approvisionnement régulier en poches et logistique rigoureuse pour assurer des perfusions de plusieurs heures, jusqu’à 7 fois par semaine. Pas évident en théorie. Mais en pratique, Yasmine et ses parents s’organisent très bien. « Résultat, six mois après l’intervention, nous n’avons pas hésité à partir en vacances en Vendée. Le personnel de Necker s’est débrouillé pour que les poches et le matériel nécessaires nous soient livrés sur place et j’ai pu profiter de ma première escapade en nutrition parentérale. » Une étape qui laisse augurer des suivantes, car rien n’empêche la jeune femme de construire sa vie « comme si de rien n’était ». En résumé : études supérieures seule à Paris (« J’ai très vite été autonome techniquement »), voyages à travers le monde (« Il suffit d’anticiper et de bien tout emporter avec soi »), belle carrière professionnelle (« Des postes offrant de l’autonomie pour gérer mon temps, ma fatigue, mes douleurs parfois… »), et vie de famille accomplie (« Je ne me suis jamais posée de questions, mon entourage et mes médecins se les posaient et y répondaient pour moi. Aujourd'hui, mariée, j’ai deux beaux enfants et aucun regret malgré quelques moments difficiles. »)

Lutter contre la reconnaissance

Ce tableau presque idéal ne doit toutefois pas faire oublier que le quotidien sous alimentation artificielle n’a pas toujours été simple pour Yasmine. Si son handicap est reconnu très tôt, il lui faut par exemple une longue bataille judiciaire pour obtenir une simple carte de stationnement : « Les problématiques comme la mienne ne rentrent pas dans les cases institutionnelles et la MDPH1 est parfois peu coopérative. » Un constat parmi d’autres qui incite la jeune femme à adhérer à l’association La Vie par un Fil et s’y investir toujours plus pour montrer qu’il est possible de (bien) vivre « branchés ». « La Vie par un Fil s’engage depuis plus de 30 ans pour véhiculer ce message simple et faire entendre les droits des personnes concernées. Nous avons à cet égard multiplié les actions, avec notamment ces dernières années la création d’une application d’éducation thérapeutique ”Mon suivi-La Vie par un Fil” pour gérer sa nutrition artificielle à domicile et la publication de guides thématiques détaillés, pour informer et rassurer sur la prise en charge et son environnement. »

En savoir plus sur...

La vie par un fil

Créée en 1987, l’association La Vie par un Fil se positionne comme l’interlocuteur et le partenaire privilégié des patients, petits et grands, de leurs familles, et des professionnels de la santé et de la nutrition artificielle à domicile. Elle poursuit trois objectifs clés :

  • rompre l’isolement, susciter l’entraide et faciliter le lien avec le corps médical ;
  • favoriser l’insertion scolaire et sociale ;
  • et formaliser les bonnes pratiques en nutrition parentérale et entérale, enfants et adultes, et diffuser l’information.

L’association s’engage autour de ces thématiques et les inscrit dans de nouveaux horizons, pour faire évoluer les connaissances, les techniques, les législations et les mentalités.

Une com' très #branchés !

L’expertise et la quantité de matière cumulées par l’Association avec le temps ne sont pas suffisamment exploitées ? Qu’à cela ne tienne ! Yasmine et le bureau lancent un grand plan de communication avec en point d’orgue « #LesBranchés » : une campagne digitale de sensibilisation, soutenue par de nombreux partenaires, dont B. Braun. À travers les réseaux sociaux et des témoignages de patients de tous horizons, nous cherchons à faire connaitre les enjeux des nutritions entérale et parentérale, expliquer leur diversité d’utilisation et leur impact sur la vie au quotidien, pour mieux les ancrer dans notre société." Si l’approche numérique est au cœur du projet, des événements physiques ponctuels, des journées de rencontres (hors confinement), d’échanges avec d’autres associations, etc. enrichissent la portée des messages et permettent à Yasmine d’envisager le déploiement de la nutrition artificielle à domicile avec optimisme :

„Je suis une pionnière et la preuve par l’exemple que l’on peut parfaitement s’accomplir sous alimentation artificielle. Il ne faut pas en avoir peur, mais au contraire profiter de la liberté qu’elle offre pour croquer la vie à pleines dents !“

– Yasmine Luzurier

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